"L'affaire". Reportage de Rémi Mauger, Fr3

mercredi 2 juin 2010

Les services publics établirent que M. Guillochon est un pollueur. Le tribunal de Mortagne répondit: et alors?

Les services publics (gendarmerie, direction des services vétérinaires) avaient relevé 8 infractions à l’environnement provoquées par Rémi Guillochon.

Résumé: Après que le sous-préfet ait informé Rémi Guillochon de la non-conformité de son exploitation (notification du 8 Mars 2003: absence de déclaration de cette activité d'élevage classé, impossibilité de respecter les prescriptions qui lui sont opposables ainsi que la poursuite de l'élevage sur ce site constituent une infraction; Courrier 4 avril 2003: “l’installation agricole n'a pas été autorisée conformément à la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement et qu'elle ne peut être régularisée compte tenu de sa situation (tiers situé à moins de 50 mètres de l'étable)”); après que le sous-préfet ait, pendant des mois, vainement tenté de négocier avec l’intéressé, en y associant chambre d’agriculture, syndicats agricoles, après lui avoir proposé subventions, permis de construire pour une stabulation neuve et aux normes (permis de construire déposé en mairie de Courgeon le 21 novembre 2003), Rémi Guillochon avait décidé de laisser ses vaches à la garde de l’écrivaine.

Las de ces provocations malveillantes, le sous-préfet avait donné le feu vert aux gendarmes, lesquels, le 28 décembre 2003, avaient transmis le procès verbal d’infractions au procureur qui avait décidé de poursuivre.

Eh bien, le 26 janvier 2005, le tribunal de Mortagne s’était déclaré impuissant face aux atteintes portées à l’environnement.

Voici les infractions transmises par les pouvoirs publics au procureur:

NON RESPECT D'UN REGLEMENT SANITAIRE DEPARTEMENTAL

1) Implantation d'un bâtiment renfermant des animaux à demeure ou en transit à proximité d'un point d'eau.

L'implantation est interdite:
- à moins de 35 mètres:
- des puits et forages,
- des sources,
- de toute installation souterraine ou semi-enterrée utilisée pour le stockage des
eaux, que ces dernières soient destinées à l'alimentation en eau potable ou à l'arrosage des cultures maraîchères,
- des rivières,
- des berges des cours d'eau;

(Contravention pénale de troisième classe.
Textes définissant l'infraction: r.s.d., art. 153-4
art.l.1311-1, art.l.1311-2 c.sante.pub. art.3 al.1 décret 73-502 du 21/05/1973.)

L’exploitation de Rémi Guillochon, si on peut appeler exploitation un hangar en tôles mal jointes et bâches de plastique volantes, est située à moins de 35 m d’un puits et d’une rivière.


2) Implantation d'un élevage d'animaux à moins de 50 mètres d'une habitation.
(Contravention pénale de troisième classe.

Textes définissant l'infraction: r.s.d., art. 153-4
art.l.1311-1, art.l.1311-2 c.sante.pub. art.3 al.1 décret 73-502 du 21/05/1973.
Textes réprimant l'infraction:
décret n° 73-502 du 21-05-1973, art. 3 , art.3 al. 1 decret 73-502 du 21/05/1973.)

L’habitation à moins de 50m est celle des Guillais.



3) Émission de bruit portant atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme.
(Contravention pénale de troisième classe
Textes définissant l'infraction:
c.s.p., art. r. 48-1 et r. 48-2, al. 1er
art.r.48-2 al.1, art.r.48-1 c.sante.pub.
Textes réprimant l'infraction: c.s.p, art. r. 48-2
art.r.48-2 c.sante.pub.)


4) Ecoulement émanant d'un bâtiment renfermant des animaux à demeure ou en transit vers un point d'eau situé à proximité.
(Contravention pénale de troisième classe
Textes définissant l'infraction: r.s.d., art. 153-2
art.l.1311-1, art.l.1311-2 c.sante.pub. art.3 al.1 décret 73-502 du 21/05/1973.
Textes réprimant l'infraction:
décret n° 73-502 du 21-05-1973, art.3 al. 1 décret 73-502 du 21/ds/1)

Les vaches étant enfermées de l’automne au printemps dans le hangar, l’écoulement s’écoule toujours. Personne n’a dit à Rémi Guillochon que les vaches adorent passer l’hiver dehors.

5) Dépôt de fumier à caractère permanent sur une aire non réglementaire.
(Contravention pénale de troisième classe
Textes définissant l'infraction: r.s.d., art. 155-2
art.l.1311-1, art .. l.1311-2 c.sante.pub. art.3 al.1 decret 73-502 du
21/05/1973.
Textes réprimant l'infraction:
Décret n° 73-502 du 21-05-1973, art. 3
art.3 al. 1 décret 73-502 du 21/05/1973.)

L’avantage du dépôt de fumier, c’est que l’odeur fait fuir la romancière qui mettait son nez dans les affaires peu ragoutantes de pesticides...

6) Ecoulement du contenu d'un ouvrage de stockage ou de traitement des urines et déjections recueillies sous forme de lisiers, des jus d'ensilage et eaux de lavage des logements d'animaux dans un ouvrage d'évacuation d'eaux pluviales, sur la voie publique, dans un cours d'eau ainsi que dans tout autre point d'eau abandonné ou non.
(Contravention pénale de troisième classe
Textes définissant l'infraction: r.s.d., art. 156
art.l.1311-1, art.l.1311-2 c.sante.pub. art.3 al.1 decret 73-502 du 21/05/1973.
Textes réprimant l'infraction:
dt 73-502, 21-05-1973, art. 3
art.3 al. 1 décret 73-502 du 21/05/1973.)

Ça s’écoule toujours.

7) Réalisation d'un silo non réglementaire destiné à la conservation par voie humide des aliments des animaux.
(Contravention pénale de troisième classe
Textes définissant l'infraction: r.s.d., art. 157-1
art.l.1311-1, art.l.1311-2 c.sante.pub. art.3 al.1 decret 73-502 du
21/05/1973.
textes réprimant l'infraction:
décret n° 73-502 du 21-05-1973, art. 3
art.3 al. 1 décret 73-502 du 21/05/1973.)

8) Implantation d'un silo destiné à la conservation par voie humide des aliments pour
animaux à proximité d'un point d'eau.

(Contravention pénale de troisième classe
Textes définissant l'infraction :r.s.d., art. 157-2
art.l.1311-1, art.l.1311-2 c.sante.pub. art.3 al.1 decret 73-502 du
21/05/1973.
Textes réprimant l'infraction:
Décret n° 73-502 du 21-05-1973, art. 3
art.3 al. 1 decret 73-502 du 21/05/1973.)


Implantation d'un silo aménagé destiné à la conservation par voie humide des
aliments pour animaux, à moins de 25 mètres d'une habitation.

(Contravention pénale de troisième classe
Textes définissant l'infraction : r.s.d., art. 157-2
art.l.1311-1, art.l.1311-2 c.sante.pub. art.3 al. 1 decret 73-502 du
21/05/1973.
Textes réprimant l'infraction:
Décret n° 73-502 du 21-05-1973, art. 3
art.3 al. 1 decret 73-502 du 21/05/1973.)

Impressionnant, n’est-ce pas?

Eh bien, les Guillais, la direction départementale des services vétérinaires, le sous-préfet et tous ceux qui, comme eux, croyaient que l’atteinte à l’environnement était devenu une infraction avaient tout faux.

Dans son jugement du 26 janvier 2005, le tribunal écrivait:

“Attendu que la citation vise des faits qui se seraient déroulés entre le 1er décembre 2000 et le 28 décembre 2003;”

Le 28 décembre est la date de transmission des PV de gendarmerie au procureur.

“Mais attendu que les contraventions commises avant le 17 mai 2002 ont fait l'objet d'une loi d'amnistie; qu'il y a donc lieu de constater l'amnistie des infractions commises avant le 17 mai 2002 ; ”

Admettons l’amnistie, mais entre le 17 mai 2002 et le 28 décembre 2003, il n’y pas eu d’amnistie. L’amnistie ne couvrirait que la période antérieure au 17 mai 2002. L’amnistie est un pouvoir régalien dont seul dispose le président de la République. Comment le tribunal peut-il prendre l’initiative d’ignorer des infractions commises entre le 17 mai 2002 et le 28 décembre 2003 sous prétexte d’amnistie antérieure ?

“Attendu qu'en ce qui concerne l'infraction d'émission de bruit portant atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, les procès verbaux de constatation n'ont pas été établis conformément à la réglementation en vigueur et sont ainsi dénués de toute force probante: qu'il y a donc lieu de relaxer le prévenu de ce chef;”

En quoi la gendarmerie n’a-t-elle pas respecté de la législation en vigueur? Le chef a-t-il oublié de signer les PV? D’habitude, le tribunal motive ses affirmations, surtout si elles mettent en cause des actes officiels comme des procès-verbaux dressés par des services assermentés.

“Attendu que pour les huit autres infractions relevées du chef de non respect d'un règlement sanitaire départemental. il ressort de la lecture des textes que l'exploitation du prévenu ne relève pas du champs d'application des dits textes, notamment par ce que le bâtiment litigieux, qui n'a jamais cessé de recevoir une affectation pour l'élevage, pré-existait à la réglementation dont l'objet était expressément conçu pour s’appliquer aux nouvelles installations ; qu'en conséquence il y a lieu de relaxer le prévenu de ce chef ;

Circulez, il n’y a rien à voir!

On se pince très fort. L’administration a dressé des procès-verbaux pour 8 infraction au code de la santé publique et au règlement sanitaire départemental dont les sanctions sont énumérées dans un décret du 21 mai 1973.

Certes, en 1978, lors de la construction du hangar mitoyen, il n’était pas interdit de construire à moins de 35 m d’une habitation. Au demeurant, à l’époque ce n’était qu’une extension d’une même propriété agricole et non une propriété indépendante et le permis de construire concerne une stabulation libre, histoire d’être autorisé à abriter de temps en temps une ou deux vaches malades ou mettant bas.

Au moment de l’achat de leur maison, en 1988, et les années suivantes, le hangar mitoyen était exclusivement à usage de “hangar”. “Hangar”, c’est aussi l’objet qui figure sur le titre de propriété de Rémi Guillochon quand il l’a acheté en mars 2001 bien qu’il l’ait déjà utilisé en stabulation en tant que locataire déjà sans gêne et déjà objet de signalements à la gendarmerie. D’ailleurs, s’ils avaient été informé de la vente du hangar à M. Guillochon, les Guillais auraient pu la faire annuler tout à fait légalement.

Mais, à supposer que le bâtiment n’ait jamais cessé de recevoir une affectation pour l’élevage, cela autoriserait-il son propriétaire à l’utiliser n’importe comment ? Quels sont les textes qui permettraient de polluer impunément le puits de sa voisine et la rivière publique ? Mystère. Le jugement n’en cite aucun.

Donc Rémi Guillochon a été acquitté.

Toutefois, et bien que tenue par ce jugement, la Chambre civile de la Cour d’appel de Caen, qui jugeait sur une procédure incidente des Guillais, a estimé que l'agriculteur ne pouvait pas s’en tirer comme ça (Voir: Selon la cour d'appel de Caen, "M. GUILLOCHON a rendu impossible l'habitation des époux GUILLAIS").

Il n’en reste pas moins que, si Rémi Guillochon a mis la pédale douce, depuis l’arrêt de la cour d’appel, sur les nuisances les plus grossières, son exploitation n’est pas aux normes actuelles alors que toutes les facilités, y compris financières lui avaient été accordées pour avoir une installation correcte.

Il est vrai qu’une nouvelle installation aurait mis fin à ses possibilités de harcèlement de l’écrivaine...

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